Le Canard Poilu

Le Canard poilujournal du front,hebdomadaire et torsif

 

C’est un journal paru pendant la guerre de 14-18. Il fait partie de ce que l’on appelle les journaux de tranchées. Nombre d’entre eux n’ont pas été édités étant donné les conditions difficiles de publication. Ce sont des journaux humoristiques, satiriques.

 

Le Canard poilu est imaginé en octobre 1914 à Dombasle en Argonne. 62 numéros seront publiés, s'adressant aux soldats du 15ème corps.  Le 15e corps est une unité de l'armée. En 1914, son personnel est issu du sud de la France. Il a été fortement dénigré par la hiérarchie militaire et une violente campagne de presse attribua ses défaites à l'origine méridionale de ses hommes, occultant ainsi les défaillances du commandement. 

C’est sans doute pour cela que l’on trouve dans 2 numéros de cet hebdomadaire des histoires drôles contenant des personnages du nom de TROTOBAS, patronyme typiquement méridional.

Numéro du 1er septembre 1915

Trotobas et ses amis ont trouvé, chaque fois qu’ils descendent des tranchées, une bonne femme qui, pour une somme acceptable, leur sert un repas à prix fixe. Seulement, la brave hôtesse veille avec un soin un peu trop jaloux à ses intérêts. Comme le vin lui paraissait filer avec rapidité, elle se décida, l’autre jour, à faire une observation à ses clients :

 " Il me semble, messieurs, que vous ne faites guère appel à la cruche d’eau.

Pardon si je vous arrête, lui demanda Trotobas, vous n’avez jamais été baptisée ?

-  Cette question ! Je suis chrétienne comme père et mère.

- Bien ! Combien de fois l’avez-vous été ?

- Mais une fois. Je pense que c’est suffisant.

-  C’est suffisant en effet. Eh bien, le vin que nous buvons doit avoir assez du baptême que vous lui avez donné ce matin."

L’hôtesse garda le silence et s’empressa de tourner les talons.

Laprote-Dugué, Ministre plénipotentiaire du Canoubier

 

 Numéro du 31 mars 1915

La tranche de bougie

Fine, huit ans, court en sautillant chez l’épicière du coin :

"  Bonjour, mame Trotobas ! donnez-moi une tranche de bougie. » Et Fine tend un sou à la boutiquière ahurie.

" Mais nous ne détaillons pas les bougies, ma petite. Nous les vendons entières. Qui t’a dit qu’on les vendait par tranches ?

-        - C’est hier soir … Nous étions tous couchés. Alors, j’ai entendu papa qui disait à maman : 'amouasso la bougio, Clarisso, anan se n’en paga uno trancho'. " ( Éteins la bougie, Clarisse, nous allons nous en payer une tranche)