J’ai un jour appris, par le plus grand des hasards, qu’un Trotobas s’était distingué dans une période difficile de notre histoire, pour la défense de ses idéaux. Il en a d’ailleurs payé le prix maximal. Hormis quelques initiés, passionnés par l’histoire de la Résistance ou celle de l’histoire britannique contemporaine, peu de gens connaissent la courte mais passionnante destinée de Michaël Alfred Raymond TROTOBAS, connu comme le Capitaine Michel. En voici donc un bref résumé.
Pour en savoir plus sur les faits de ce héros de guerre, reportez-vous à la bibliographie ci-dessous. Un merci tout particulier à Danièle Lheureux avec qui j’ai entretenu un échange très chaleureux. Je conseille également le récent ouvrage de Stewart Kent et Nick Nicholas, fort bien documenté ainsi que les travaux de Paul Mc Cue.
La famille de Michaël Alfred Raymond Trotobas est originaire de Cuers et, plus anciennement, de Vidauban. Il est né le 30 mai 1914 à Brighton, Angleterre. Il est le fils d’Henri Noël Trotobas, et d’Agnes Whelan, de nationalité irlandaise.
Son père, Henri Noël, est mobilisé en France lors de la guerre de 14, il sera blessé le 22 août 1914 en Belgique, puis fait prisonnier en Allemagne. Michel ne verra son père qu’à la fin de la guerre en 1918. Michaël gardera de cette époque une haine des Allemands, on lui prête ces propos d’enfant : « I’ll shoot the Germans for keeping my Daddy a prisoner. »[1]
Le 14 avril 1923, la famille part en Irlande et Michaël fréquente l’école catholique de Dublin. En 1926, ils arrivent en France et Michael fait la connaissance de sa famille paternelle, il fréquente l’école de la Seyne sur mer où sa tante Marie-Louise est institutrice. En 1928, il fréquente l’école des Maristes, à Toulon. Fin 1930, la famille retourne en Angleterre. Il a une adolescence mouvementée aussi bien en Irlande qu’à Cuers ou à Londres.
À 17 ans ½ il est incorporé dans le Middlesex Regiment et à 19 ans, il s’engage dans l’armée britannique.
En 1939, il fait partie du corps expéditionnaire britannique, 3ème division, commandé par Montgomery. Étant parfaitement bilingue, il arrive à repérer les agents allemands infiltrés dans la population à Lille et à Gondecourt.
En 1941, il rejoint le SOE (Special Operations Executive) service secret britannique créé par W. Churchill visant à soutenir les divers mouvements de résistance. Entre 1941 et 1943, il se distingue dans plusieurs missions par son courage et sa hardiesse et la capacité de motiver ses camarades. Il est interné à Mauzac puis s’évade ; ensuite, il participe à la constitution du réseau Farmer qui va contribuer au sabotage de plusieurs sites stratégiques. Il rencontre à Lille celle qui deviendra sa compagne et collaboratrice, Denise Gilman. En juin 1943, il réalise « le coup de Fives » consistant à détruire les ateliers de construction de la SNCF alors aux mains des Allemands. Avec ses compagnons, ils réussissent à placer les charges explosives ; mais ce n’est pas tout. Il retourne alors dans l’usine détruite se faisant passer pour un agent SNCF et prend des photos en se faisant aider par les Allemands. Puis il envoie les photos à Londres comme on le lui avait demandé avec ce mot : « avec les salutations de la Résistance ». Voilà qui illustre le courage et la grande habileté de cet homme, toujours prêt à en découdre.
Malheureusement, à ce même moment, les arrestations se font nombreuses dans le réseau, consécutives à des trahisons ou dénonciations. C’est ainsi qu’un ancien agent, « Olivier » va le dénoncer et contribuer ainsi à son arrestation le 28 novembre 1943. Les Allemands cernent la maison, Michaël parvient à tuer le chef de l’équipe et à blesser grièvement son adjoint. En tentant une sortie, il est abattu d’une rafale de mitraillette ainsi que sa compagne, Denise Gilman. Le réseau qu’il a créé continuera, dirigé par Pierre Séailles. Il recevra la médaille de la Résistance française, à titre posthume (J.O. du 26/07/1947, page 7261).
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Il n’est pas exagéré de soutenir que cet homme a eu une vie exceptionnelle. Un caractère bien affirmé sans aucun doute, des valeurs profondément ancrées, et de nombreuses compétences en sont à l’origine. Qui aurait pu penser que le petit fils du charcutier de Cuers, petite commune au fin fond du Var, s’illustrerait ainsi dans l’histoire de son pays et celle du Royaume Uni ? Ce que j’ai pu collecter sur son père, Henri Noël, de sources originales ou d’après la littérature, donne à voir une personnalité très ouverte, ne redoutant pas les expériences diverses et les déplacements. C’est sans doute par ce modèle paternel qu’il s’est forgé une telle personnalité.
Henri Noël Trotobas est né à Cuers le 15 décembre 1893, à 15 heures. Il est le fils de François Marius Trotobas, charcutier de Cuers, âgé de 37 ans, et d’Eugénie Marie Valentin, cuisinière née à Grenoble âgée de 28 ans. D’après le tout récent ouvrage de Stewart Kent et Nick Nicholas, voici comment il s’est retrouvé en Angleterre. Ayant un goût prononcé pour l’aventure et se sentant un peu à l’étroit dans son village varois, il avait décidé avec un camarade, de partir pour l’Amérique sur l’un de ces énormes paquebots qui faisaient la traversée. C’est ainsi qu’ils se retrouvent tous les deux à Londres. Mais se trompant de train pour gagner Southampton, le bateau part sans eux. Ce fut une chance car nous étions en 1912 et ils auraient dû voyager sur le Titanic.
Son camarade rentre en France, mais lui, préfère tenter sa chance en Angleterre ; il se rend à Brighton où l’industrie hôtelière est en plein essor et il trouve un emploi de portier pour commencer puis de sous-chef cuisinier. Enfin, il est employé dans un hôtel plus prestigieux sur le front de mer. C’est là qu’il rencontre Agnes Whelan, une jeune irlandaise qui elle aussi vient tenter sa chance en Angleterre.
Ils se marient le 25 octobre 1913, à Brighton. Il est incorporé à l’armée le 20 novembre 1913 alors qu’il est un tout jeune marié. Il participe à la campagne contre l’Allemagne à partir du 2 août 1914, alors que son fils Michaël vient de naître (le 30 mai 1914). Il est blessé et fait prisonnier à Rossignol en Belgique le 23 août 1914 ; puis il est interné dans le camp de prisonniers Gef Lager, à Erfurt, Allemagne. Il sera rapatrié le 29 décembre 1918 et fera véritablement la connaissance de son fils alors âgé de 4 ans.
Le 14 mai 1919, il passe au régiment d’artillerie coloniale. En 1919 il réside à Brighton (25 juillet), Rue du comté de Sussex. Peu de temps après, en 1923, sa femme Agnes Whelan meurt de la tuberculose, à l’âge de 30 ans, alors que Michael a seulement 9 ans. En 1924, il réside à Dublin et est employé comme pâtissier dans le grand hôtel Shelbourne. Quelques années plus tard, il est en France, à Hyères en janvier 1937, il réside à l’hôtel Chateaubriand. En 1928, on le trouve à Toulon au Grand Hôtel, place de la Liberté.
Après quoi, il retourne à Londres. Lors de la Seconde guerre mondiale, il sera rappelé le 1er septembre 1939 et renvoyé dans ses foyers le 10 décembre de la même année. Classé dans la position Sans affectation, Il se retirera alors à Londres. Il se remariera à Londres (cité de Westminster) le 14 septembre 1957 avec Antoinette Sevelinge.
Ascendance patronymique de Michaël TROTOBAS
Une plaque commémorative à Brighton
Bibliographie et sitographie
Le Maitron des fusillés et exécutés
The Story of Michael Trotobas, by Margie Hofman